Droit du Travail – Gratification – Usage constant – Transfert d’entreprise

La Cour d’appel, troisième chambre, siégeant en matière de droit du travail, a rendu le 28 mars 2019 un arrêt numéro CAL-2018-00558 portant sur le droit de gratification issu d’un usage constant.

En l’espèce, Madame A avait été au service de la société B depuis 1998 en qualité de secrétaire, sans qu’un contrat soit signé entre les parties.

Madame A avait touché chaque mois de décembre un treizième mois dès la conclusion de son engagement.

Le 1er avril 2015 la société B avait été transféré à la société C qui reprenait tous les contrats de travail des employés de la société B.

En date du 31 mars 2015 Madame A avait signé un contrat avec la société C.

La société C n’avait pas versé à Madame A son treizième mois à la fin de l’année 2015 de sorte que l’employée s’est retournée contre son employeur en payement des sommes dues.

Le juge de paix a dit non-fondée la demande de Madame A aux motifs que faute d’un contrat de travail écrit conclu avec la société B, le principe de la gratification n’avait pas été fixé conventionnellement.

Par ailleurs, l’article 2.2 du contrat de travail signé en date du 31 mars 2015, applicable à partir du 1er avril 2015, stipulait que l’attribution de primes, gratifications et autres avantages sera liée à la situation financière de l’entreprise et/ou aux prestations de travail du salarié.

Ces avantages seront toujours considérés comme des prestations purement volontaires de l’employeur et ne sauraient devenir obligatoires au sens d’un droit acquis.

Le tribunal a de même constaté que les montants des gratifications touchés entre 1999 et 2015 variaient.

Au vu de ces éléments, le tribunal a conclu que la requérante n’avait pas établi que la gratification remplissait le caractère de fixité nécessaire d’après la jurisprudence pour pouvoir constituer un usage constant et qu’elle n’avait donc également pas établi le bien-fondé de ses prétentions au paiement d’une gratification pour les mois d’avril à décembre 2015 de sorte qu’elle a été déboutée de sa demande.

Madame A a interjeté appel contre la décision du tribunal de paix.

Ainsi par un arrêt du 28 mars 2019, la Cour d’appel a déclaré nul l’article 2.2 du contrat de travail conclu entre parties en date du 31 mars 2015 et condamne la société C à payer à Madame A le montant de la gratification pour l’année 2015 pour les motifs suivant :

« …. Si en principe la gratification est considérée comme une libéralité dépendant du seul bon-vouloir de l’employeur, il est admis que le salarié puisse renverser cette présomption en démontrant que la gratification constitue, au contraire, un complément de salaire prévu par le contrat de travail individuel ou collectif ou résulte d’un usage de l’entreprise ou de la profession….

….Pour que le salarié puisse tirer son droit à une gratification d’un usage constant, il faut qu’il rapporte la preuve que le paiement de cette gratification réunit les caractères de généralité, fixité et constance nécessaires, d’après la jurisprudence, pour pouvoir constituer un usage constant….

…Selon la jurisprudence (cf. Cour, 15 janvier 2015, rôle 40682) le paiement pendant deux années consécutives d’une gratification correspondant chaque fois au salaire du dernier mois de l’année suffit pour établir les caractères de constance et de fixité de la gratification….

…La Cour relève que toutes les gratifications, depuis l’année 1999, correspondent au moins au salaire brut du mois de décembre de l’année à laquelle elles se rapportent...

…Or, il ressort des développements ci-dessus et des pièces y mentionnées que depuis 2010, le montant brut de la gratification correspondait au montant brut du salaire de décembre de l’année à laquelle elle se rapportait.

Le critère de fixité de la gratification est dès lors établi….

…A a prouvé que sous son ancienne relation de travail, elle avait un droit acquis au paiement d’une gratification et que, lors du transfert d’entreprise, le nouvel employeur ne pouvait donc le lui enlever...

…En effet, par l’effet du transfert d’entreprise, ce sont les anciens contrats de travail qui sont continués par le nouvel employeur et non de nouveaux contrats qui se nouent.

Les contrats de travail sont par conséquent repris « tels quels » avec tous les droits et obligations y attachés...

…Les clauses individuelles et autres avantages (même acquis sans contrat) doivent dès lors rester acquis aux salariés transférés... »

La Cour rappelle ainsi que si la loi prévoit qu’une gratification est dépendante de la seule volonté de l’employeur, si l’employé prouve que ladite gratification est constante, fixe et générale alors elle devient un droit acquis par usage constant et elle est d’application même en cas de transfert d’entreprise.

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